« Les Chants de Maldoror », de Lautréamont 

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Chant premier, strophe 1

Écoute bien ce que je te dis: dirige tes talons en arrière et non en avant, comme les yeux d’un fils qui se détourne respectueusement de la contemplation auguste de la face maternelle, ou, plutôt, comme un angle à perte de vue de grues frileuses méditant beaucoup, qui, pendant l’hiver, vole puissamment à travers le silence, toutes voiles tendues, vers un point déterminé de l’horizon, d’où tout à coup part un vent étrange et fort, précurseur de la tempête.

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Chant premier, strophe 5

En voyant ces spectacles, j’ai voulu rire comme les autres; mais, cela, étrange imitation, était impossible. J’ai pris un canif dont la lame avait un tranchant acéré, et me suis fendu les chairs aux endroits où se réunissent les lèvres. Un instant je crus mon but atteint. Je regardai dans un miroir cette bouche meurtrie par ma propre volonté!  C’était une erreur!  Le sang qui coulait avec abondance des deux blessures empêchait d’ailleurs de distinguer si c’était la vraiment le rire des autres.

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Chant premier, strophe 6

On doit laisser pousser ses ongles pendant quinze jours. Oh! comme il est doux d’arracher brutalement de son lit un enfant qui n’a rien encore sur la lèvre supérieure, et, avec les yeux très ouverts, de faire semblant de passer suavement la main sur son front, en inclinant en arrière ses beaux cheveux! Puis, tout à coup, au moment où il s’y attend le moins, d’enfoncer les ongles longs dans sa poitrine molle, de façon qu’il ne meure pas; car, s’il mourait, on n’aurait pas plus tard l’aspect de ses misères.  Ensuite, on boit le sang en léchant les blessures; et, pendant ce temps, qui devrait durer autant que l’éternité dure, l’enfant pleure. Rien n’est si bon que son sang, extrait comme je viens de le dire, et tout chaud encore, si ce ne sont ses larmes, amères comme le sel.

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Chant premier, strophe 7

J’ai fait un pacte avec la prostitution afin de semer le désordre dans les familles.  Je me rappelle la nuit qui précéda cette dangereuse liaison.  Je vis devant moi un tombeau. J’entendis un ver luisant, grand comme une maison, qui me dit: «Je vais t’éclairer. Lis l’inscription. Ce n’est pas de moi que vient cet ordre suprême.» Une vaste lumière couleur de sang, à l’aspect de laquelle mes mâchoires claquèrent et mes bras tombèrent inertes, se répandit dans les airs jusqu’à l’horizon.  Je m’appuyai contre une muraille en ruine, car j’allais tomber, et je lus: «Ci-gît un adolescent qui mourut poitrinaire: vous savez pourquoi.  Ne priez pas pour lui,» Beaucoup d’hommes n’auraient peut-être pas eu autant de courage que moi. Pendant ce temps, une belle femme nue vint se coucher à mes pieds.  Moi, à elle, avec une figure triste: «Tu peux te relever.» Je lui tendis la main avec laquelle le fratricide égorge sa soeur.  Le ver luisant, à moi: «Toi, prends une pierre et tue-la. – Pourquoi? lui dis-je. » Lui, à moi: «Prends garde à toi, le plus faible, parce que je suis le plus fort. Celle-ci s’appelle Prostitution.»

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Chant premier, strophe 8

Au clair de la lune, près de la mer, dans les endroits isolés de la campagne, l’on voit, plongé dans d’amères réflexions, toutes les choses revêtir des formes jaunes, indécises, fantastiques.  L’ombre des arbres, tantôt vite, tantôt lentement, court, vient, revient, par diverses formes, em s’aplatissant, en se collant contre la terre […] Alors, les chiens, rendus furieux, brisent leurs chaines, s’échappent des fermes lointaines; ils courent dans la campagne, çà et là, en proie à la folie.

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Chant premier, strophe 9

Bruit mélancolique de l’écume qui se fond, pour nous avertir que tout est écume.

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Chant premier, strophe 11

Une famille entoure une lampe posée sur la table:

– Mon fils, donne-moi les ciseaux qui sont placés sur cette chaise.

– Ils n’y sont pas, mère.

– Va les chercher alors dans l’autre chambre.

– Mère, il m’étrangle… Père, secourez-moi… Je ne puis plus respirer… Votre bénédiction! Un cri d’ironie immense s’est élevé dans les airs.

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Chant premier, strophe 13

Homme, lorsque tu rencontres un chien mort retourné, appuyé contre une écluse qui  l’empêche de partir, n’aille pas, comme les autres, prendre avec ta main, les vers qui sortent de son ventre gonflé, les considérer avec étonnement, ouvrir un couteau, pour en dépecer un grand nombre, en te disant que toi aussi, tu ne seras pas plus que ce chien.

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Chant deuxième, strophe 7

Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l’hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. La lune a dégagé son disque de la masse des nuages, et caresse avec ses pâles rayons cette douce figure d’adolescent. Ses traits expriment l’énergie la plus virile, en même temps que la grâce d’une vierge celeste. Rien ne paraît naturel en lui, pas même les muscles de son corps, qui se fraient un passage à travers les contours harmonieux de formes féminines.

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Chant deuxième, strophe 8

Un trône, formé d’excréments humains et d’or, sur lequel trônait, avec un orgueil idiot, le corps recouvert d’un linceul fait avec des draps non lavés d’hôpital, celui qui s’intitule lui-même le Créateur. Il tenait à la main le tronc pourri d’un homme mort, et le portait, alternativement, des yeux au nez et du nez à la bouche; une fois à la bouche, on devine ce qu’il en faisait. Ses pieds plongeaient dans une vaste mare de sang en ébulition, à la surface duquel s’élevaient tout à coup, comme des ténias à travers le contenu d’un pot de chambre, deux ou trois têtes prudentes, et qui s’abaissaient aussitôt, avec la rapidité de la flèche: un coup de pied, bien appliqué sur l’os du nez, était la recompense connue de la révolte au règlement, occasionnée par le besoin de respirer un autre milieu; car, enfin, ces hommes n’étaient pas des poissons!  Amphibies tout eu plus, ils nageaient entre deux éaux dans ce liquide immonde!… jusqu’à ce que, n’ayant plus rien dans la main, Le Créateur, avec les deux premières griffes du pied, saisît un autre plongeur par le cou, comme dans une tenaille, et le soulevât en l’air, en dehors de la vase rougeâtre, sauce exquise!

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Chant deuxième, strophe 9

Il existe un insecte que les hommes nourrissent à leurs frais. Ils ne lui doivent rien; mais, ils le craignent […] Ô pou, à la prunelle recroquevillée, tant que les fleuves répandront la pente de leurs eaux dans les abîmes de la mer; tant que les astres graviteront sur le sentier de leur orbite; tant que le vide muet n’aura pas d’horizon; tant que l’humanité déchirera ses propres flancs par des guerres funestes; tant que la justice divine précipitera ses foudres vengeresses sur ce globe égoïste; tant que l’homme méconnaîtra son créateur, et se narguera de lui, non sans raison, en y mêlant du mépris, ton règne sera assuré sur l’univers, et ta dynastie étendra ses anneaux de siècle en siècle.

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Chant deuxième, strophe 9

J’arrachai un pou femelle aux cheveux de l’humanité. On m’a vu me coucher avec lui pendant trois nuits consécutives, et je le jetai dans la fosse.

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Chant deuxième, strophe 10

Ó mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées, depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon coeur, comme une onde rafraîchissante.

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Chant deuxième, strophe 11

Avec ses muscles, il étrangle la gorge de l’ange, qui ne peut plus respirer, et lui renverse le visage, en l’appuyant sur sa poitrine odieuse. […] Il se penche, et porte sa langue, imbibée de salive, sur cette joue angélique, qui jette des regards suppliants. Il promène quelque temps sa langue sur cette joue. Oh!… voyez!… voyez donc!… la joue blanche et rose est devenue noire, comme un charbon! Elle exhale des miasmes putrides. C’est la gangrène; il n’est plus permis d’en douter. Le mal rongeur s’étend sur toute la figure, et de là, exerce ses furies sur les parties basses; bientôt, tout le corps n’est qu’une vaste plaie immonde […] Depuis ce jour, chaque soir, dès la tombée de la nuit, l’on voit une lampe brillante qui surgit et se maintient, gracieusement, sur la surface du fleuve, à la hauteur du Pont Napoléon, en portant, au lieu d’anse, deux mignonnes ailes d’ange.

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Chant deuxième, strophe 13

Le navire, qui était un grand vaisseau de guerre, venait de jeter toutes ses ancres, pour ne pas être balayé sur les rochers de Ia côte. Le vent sifflait avec fureur des quatre points cardinaux, et mettait les voiles en charpie. Les coups de tonnerre éclataient au milieu de éclairs, et ne pouvaient surpasser le bruit des lamentations qui s’entendaient sur la maison sans bases, sépulcre mouvant. Le roulis de ces masses aqueuses n’était pas parvenu à rompre les chaines des ancres; mais, leurs secousses avaient entrouvert une voie d’eau, sur les flancs du navire. Brèche énorme; car, les pompes ne suffisent pas à rejeter les paquets d’eau salée qui viennent, en écumant, s’abattre sur le pont, comme des montagnes. Le navire en détresse tire des coups de canon d’alarme; mais, il sombre avec lenteur… avec majesté.

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Chant deuxième, strophe 13

Il a les yeux fixés sur cette courageuse femelle de requin, aux dents si fortes […] Arrivés à trois mètres de distance, sans faire aucun effort, ils tombèrent brusquement l’un contre l’autre, comme deux aimants, et s’embrassèrent avec dignité et reconnaissance, dans une étreinte aussi tendre que celle d’un frère ou d’une soeur.  Les désirs charnels suivirent de près cette démonstration d’amitié. Deux cuisses nerveuses se collèrent étroitement à la peau visqueuse du monstre, comme deux sangsues; et, les bras et les nageoires entrelacés autour du corps de l’objet aimé qu’ils entouraient avec amour, tandis que leurs gorges et leurs poitrines ne faisaient bientôt plus qu’une masse glauque aux exhalaisons de goëmon.

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Chant deuxième, strophe 16

Une tête à la main, dont je rongeais le crâne, je me suis dirige vers l’endroit où s’élèvent les poteaux qui soutiennent la guillotine. J’ai placé la grâce suave des cous de trois jeunes fines sous le couperet. Exécuteur des hautes oeuvres, je lâchai le cordon avec l’expérience apparente d’une vie entière; et, le fer triangulaire, s’abattant obliquement, trancha trois têtes qui me regardaient avec douceur.

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Chant troisième, strophe 1

Rappelons les noms de ces êtres imaginaires, à la nature d’ange, que ma plume, pendant le deuxième chant, a tjrés d’un cerveau, brillant d’une lueur emanée d’eux-mêmes. Ils meurent, dès leur naissance, comme ces étincelles dont l’oeil a de Ia peine à suivre l’effacement rapide, sur du papier brûlé. Léman!  Lohengrin!…  Lombano!… Holzer!…

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Chant troisième, strophe 2

Maldoror passait avec son bouledogue; il voit une jeune fiile qui dort à l’ombre d’un platane, et il la prit d’abord pour une rose […] Il se déshabille rapidement, comme un homme qui sait ce qu’il va faire. Nu comme une pierre, ii s’est jeté sur le corps de la jeune fille, et lui a levé la robe pour commettre un attentat à la pudeur… […] Il indique au chien de la montagne la place où respire et hurle la victime souffrante, et se retire à l’écart, pour ne pas être témoin de la rentrée des dents pointues dans les veines roses. L’accomplissement de cet ordre put paraître sévère au bouledogue. Il crut qu’on lui demanda ce qui avait été déjà fait, et se contenta, ce loup, au mufle monstrueux, de violer à son tour la virginité de cette enfant délicate.

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Chant troisième, strophe 2

[…] Tire de sa poche un canif américain, composé de dix à douze lames qui servent à divers usages. Il ouvre les pattes anguleuses de cet hydre d’acier; et, muni d’un pareil scalpel, voyant que le gazon n’avait pas encore disparu sous la couleur de tant de sang versé, s’apprête, sans pâlir, à fouiller courageusement le vagin de la malheureuse enfant. De ce trou élargi, il retire successivement les organes intérieurs; les boyaux, les poumons, le foie et enfin le coeur lui-même sont arrachés de leurs fondements et entrainés à la lumière du jour, par l’ouverture épouvantable.

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Chant troisième, strophe 5

Lorsque le client était sorti, une femme toute nue se portait au-dehors, de la même manière, et se dirigeait vers le même baquet. Alors, les coqs et les poules accouraient en foule des divers points du préau, attirés par l’odeur séminale, la renversaient par terre, malgré ses efforts vigoureux, trépignaient la surface de son corps comme un fumier et déchiquetaient, à coups de bec, jusqu’à ce qu’il sortit du sang, les lèvres flasques de son vaqin gonflé.

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Chant troisième, strophe 5

Sur la muraille qui servait d’enceinte au préau, et située du côté de l’ouest, étaient parcimonieusement pratiquées diverses ouvertures, fermées par un guichet grillé. La mousse recouvrait ce corps de logis, qui, sans doute, avait été un couvent et servait, à l’heure actuelle, avec le reste du bâtiment, comme demeure de toutes ces femmes qui montraient chaque jour, à ceux qui entraient, l’intérieur de leur vagin, en échange d’un peu d’or […] La première et la seule chose qui frappa ma vue fut un bâton blond composé de cornets, s’enfonçant les uns dans les autres.  Ce báton se mouvait! […] Il faisait des bonds impétueux, retombait à terre et ne pouvait défoncer l’obstacle. Je me mis à le regarder de plus en plus attentivement et je vis que c’était un cheveu!

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Chant troisième, strophe 5

Quand il fut rassasié de respirer cette femme, il voulut lui arracher ses muscles un par un; mais, comme c’était une femme, il lui pardonna, et préféra faire souffrir un être de son sexe. Il appela, dans la cellule voisine, un jeune homme qui était venu dans cette maison pour passer quelques moments d’insouciance avec une de ces femmes, et lui enjoignit de venir se piacer à un pas de seus yeux. Il y avait longtemps que je gisais sur le sol. N’ayant pas la force de me lever sur ma racine brûlante, je ne pus voir ce qu’ils firent. Ce que je sais, c’est qu’à peine le jeune homme fut à portée de sa main, que des lambeaux de chair tombèrent aux pieds du lit et vinrent se placer à mes côtés.

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Chant troisième, strophe 5

Les nonnes, ensevelies depuis des siècles dans les catacombes du couvent, après avoir été réveillées en sursaut par les bruits de cette nuit horrible, qui s’entrechoquaient entre eux dans une cellule située au-dessus des caveaux, se prirent par la main, et vinrent former une ronde funèbre autour de lui.

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Chant quatrième, strophe 3

Une potence s’élevait sur le sol; à un mètre de celui-ci, était suspendu par les cheveux un homme dont les bras étaient attachés par-derrière […] Mais, voici que, du côté opposé, arrivèrent en dansant deux femmes ivres. L’une tenait un sac, et deux fouets, aux cordes de plomb, l’autre, un baril plein de goudron et deux pinceaux […]. Je me recachai derrière le buisson, et je me tins tout coi, comme l’acantophorus serraticornis, qui ne montre que Ia tête en dehors de son nid […] Chacune prit un pinceau et goudronna le corps du pendu… chacune prit un fouet et leva les bras …

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Chant quatrième, strophe 4

Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un enorme champignon, aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis quatre sièdes. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n’est plus de la chair. Cependant, mon coeur bat.  Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille. Il serait ensuite capable d’entrer dans votre cerveau. Sous mon aisselle droite, il y a un caméléon qui leur fait une chasse perpétuelle, afin de ne pas mourir de faim: il faut que chacun vive.  Mais, quand un parti déjoue complètement les ruses de l’autre, ils ne trouvent rien de mieux que de ne pas se gêner, et sucent la graisse délicate qui couvre mes côtes: j’y suis habitué. Une vipère méchante a dévoré ma verge et a pris se place: elle m’a rendu eunuque, cette infâme. Oh! si j’avais pu me défendre avec mes bras paralysés; mais, je crois plutôt qu’ils se sont changés en bûches. Quoi qu’il en soit, il importe de constatar que le sang ne vient plus y promener se rougeur. Deux petits hérissons, qui ne croissent plus, ont jeté à un chien, qui n’a pas refusé, l’intérieur de mes testicules: l’épiderme, soigneusement lavé, ils ont logé dedans. L’anus a été intercepté par un crabe; encouragé par mon inertie, il garde l’entrée avec ses pinces, et me fait beaucoup de mal! Deux méduses ont franchi les mers, immédiatement alléchées par un espoir qui ne fut pas trompé. Elles ont regardé avec attention les deux parties charnues qui forment Ie derrière humain, et, se cramponnant à leur galbe convexe, elles les ont tellement écrasées par une pression constante, que les deux morceaux de chair ont disparu, tandis qu’il est resté deux monstres, sortis du royaume de la viscosité, égaux par la couleur, la forme et la férocité.  Ne parlez pas de ma colonne vertébrale, puisque c’est un glaive.

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Chant quatrième, strophe 7

Je vis nager, sur la mer, avec des larges pattes de canard à la place des extrémités des jambes et des bras, porteur d’une nageoire dorsale, proportionnellement aussi longue et aussi effilée que celle des dauphins, un être humain, aux muscles vigoureux, et que des bancs nombreux de poissons ( je vis, dans ce cortège, entre autres habitants des eaux, la torpille, l’anarnak groenlandais et le scorpène-horrible ) suivaient avec les marques très ostensibles de la plus grande admiration.  Quelquefois il plongeait, et son corps visqueux reparaissait presque aussitôt, à deux cents mètres de distance. Les marsouins, qui n’ont pas volé, d’après mon opinion, la réputation de bons nageurs, pouvaient à peine suivre de loin cet amphibie de nouvelle espèce.

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Chant cinquième, strophe 1

Tu arracheras d’abord les bras de ta mère (si elle existe encore), tu les dépèceras en petits morceaux, et tu les mangeras ensuite, en un seul jour, sans qu’aucun trait de ta figure ne trahisse ton émotion […] La potion la plus lénitive que je te conseille, est un bassin, plein d’un pus blennorragique à noyaux, dans lequel on aura préalablement dissous un kyste pileux de l’ovaire, un chancre folliculaire, un prépuce enflammé, renversé en arrière du gland par une paraphimosis, et trois limaces rouges. Si tu suis mes ordonnances, ma poésie te recevra à bras ouverts. comme quand un pou résèque, avec ses baisers, la racine d’un cheveu.

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Chant cinquième, strophe 2

Je voyais, devant moi, un objet debout sur un tertre. Un scarabée, roulant, sur le sol, avec ses mandibules et ses antennes, une boule, dont les principaux élements étaient composés de matières excrémentielles.

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Chant cinquième, strophe 5

Ô pédérastes incompréhensibles, ce n’est pas moi qui lancerai des injures à votre grande dégradation; ce n’est pas moi qui viendrai jeter le mépris sur votre anus infundibuliforme. Il suffit que les maladies honteuses, et presque incurables, qui vous assiègent, portent avec elles leur immanquable châtiment.

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Chant cinquième, strophe 5

Oh! si au lieu d’être un enfer, l’univers n’avait été qu’un céleste anus immense, regardez le geste que je fais du côté de mon bas-ventre: oui, j’aurais enfoncé ma verge, à travers son sphincter sanglant, fracassant, par mes mouvements impétueux, les propres parois de son bassin!

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Chant cinquième, strophe 6

Silence! Il passe un cortège funéraire à côte de vous. lnclinez la binarité de vos rotules vers la terre et entonnez un chant d’outre-tombe. Le prêtre des religions ouvre le premier la marche, en tenant à la main un drapeau blanc, signe de la paix, et de l’autre un emblème d’or qui represente les parties de l’homme et de la femme, comme pour indiquer que ces membres charnels sont la plupart du temps, abstraction faite de toute métaphore, des instruments très dangereux entre les mains de ceux qui s’en servent.

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Chant cinquième, strophe 7

Chaque nuit, à l’heure où le sommeil est parvenu à son plus grand degré d’intensité, une vieille araignée de la grande espèce sort lentement sa tête d’un trou placé sur le sol, à l’une des intersections des angles de la chambre. Elle grimpe les long des pieds d’ébène de mon lit de satin. Elle m’étreint la gorge avec les pattes, et me suce le sang avec son ventre.

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Chant sixième, strophe 3

Et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie!

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Chant sixième, strophe 7

Sur un banc du Palais-Royal, du côté gauche et non loin de la pièce d’eau, un individu, débouchant de la rue de Rivoli, est venu s’asseoir, il a les cheveux en désordre, et ses habits dévoilent l’action corrosive d’un dénuement prolongé. Il a creusé un trou dans le sol avec un morceau de bois pointu, et a rempli de terre le creux de sa main. Il a plongé cette nourriture à la bouche et l’a rejetée avec précipitation. Il s’est relevé, et, appliquant sa tête contre le banc, il a dirigé ses jambes vers le haut. Vers l’entrée mitoyenne du nord, à côté de la rotonde qui contient une salle de café, le bras de notre héros est appuyé contre la grille.

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Chant sixième, strophe 7

J’avais acheté un serin pour mes trois soeurs; c’était pour mes trois soeurs que j’avais acheté un serin. Elles l’avaient enfermé dans une cage, au-dessus de la porte. Là, malgré les cris et les supplications de sa famille ( nous tenions beaucoup à cet oiseau, qui était, pour nous, comme le génie de la maison ) il écrasa de ses talons ferrés la boîte d’osier, pendant qu’une varlope, tournoyant autour de sa tête, tenait à distance les assistants.

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Chant sixième, strophe 10

Il y avait une queue de poisson qui remuait au fond d’un trou, à côté d’une botte éculée. […] La pluie avait laissé quelques gouttes d’eau au fond de cet entonnoir, creusé dans le sable […] Le crabe tourteau, par la puissance divine, devait renaître de ses atomes résolus. Il retira du puits Ia queue de poisson et lui promit de la rattacher à son corps perdu, si elle annonçait au Créateur I’impuissance de son mandataire à dominer les vagues en fureur de la mer maldororienne […] Avant que le troisième jour fût parvenu à sa fin, il perça la queue du poisson d’une flèche envenimée.

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Chant sixième, strophe 10

« Voici un chien, enfermé dans ce sac; il a la gaie: abattez-le au plus vite ». […] Le jour où le pont du Carrousel, encore empreint de l’humide rosée de la nuit, aperçut avec horreur l’horizon de sa pensée s’élargir confusément en cercles concentriques, à l’apparition matinale du rythmique pétrissage d’un sac icosaèdre, contre son parapet calcaire!

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Chant sixième, strophe 10

Celui-ci n’employa pas beaucoup de temps pour attacher les pieds de Mervyn à l’extrémité de Ia corde, Le rhinocéros avait appris ce qui allait arriver.  Couvert de sueur, il apparut haletant, au coin de la rue Castiglione. Il n’eut même pas la satisfaction d’entreprendre le combat. L’individu, qui examinait les alentours du haut de la colonne, arma son revolver, visa avec soin et pressa la détente. [..] Mais nous savions que, dans ce pachyderme, s’était introduite la substance du Seigneur. Il se retira avec chagrin. […] La fronde siffle dans l’espace; le corps de Mervyn la suit partout, toujours éloigné du centre par la force centrifuge, toujours gardant sa position mobile et équidistante, dans une circonférence aérienne, indépendante de la matière.

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Chant sixième, strophe 10

Son corps va frapper le dôme du Panthéon, tandis que la corde étreint, en partie, de ses replis, la paroi supérieure de l’immense coupole. C’est sur sa superfície sphérique et convexe, qui ne ressemble à une orange que pour la forme, qu’on voit, à toute heure du jour, un squelette desséché, resté suspendu: […] allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire.